Écrire sur soi-même, écrire de soi-même ? Signer un autographe ? Il est difficile d’aimer écrire à propos de soi. Alors tenons-nous en aux faits ! Aux seuls faits biologiques ? Comme certains contes jadis relatés par l’auteur, ce monde tourne parfois à l’envers. … Mes parents souhaitaient une fille, nature plus riche. Je me suis borné à être un garçon, le second, le dernier. Nous sommes deux frères, nés sous des signes différents.
Je naquis à Charleville. Dans les Ardennes françaises. J’aime les Ardennes. Vacances de Noël, vacances de Pâques, dans le Nord-est. J’y ai mes oncles, mes tantes, mes cousins. Comme Rimbaud. Mais, après ma confidence je ne voudrais pas me faire appeler Arthur… Mon prénom, c’est Luc. C’est bref. Ainsi me baptisa ma mère. Mon père ne voulait pas de prénom composé. Parler de la sorte me rappelle la voix off de Sacha Guitry dans ses films. Non, non, je ne vais pas imposer un court-métrage. Ce serait un peu succinct, jeune homme. Encore moins un long-métrage.
Je ne suis pas Cyrano. Dans le village de mon père, les Delfosse n’allaient pas à l’église… Ce serait trop long à raconter. Je n’ai pas eu le vélo que tous les garçons et les filles de mon âge recevaient en cadeau pour leur première communion. Je ne l’ai pas faite. Tous ? Presque tous… Je n’ai pas eu de vélo, mais j’ai eu des ballons rouges, des pochettes surprises bleues. A l’époque je n’étais pas assez hardi pour courtiser la femme de mes rêves, elle se prénommait Françoise, j’avais huit ans. Elle devint cependant l’héroïne de mon premier roman. Un roman policier. En fait, un roman d’amour : déjà mon cri amoureux déchirait la nuit. J’étais déjà fasciné par la beauté du monde, par la beauté féminine. Elle n’a pas de secret pour moi, rien que du mystère. Obsédé ? Presque.
Ceci est censé être une biographie, pas une confession de la nuit. Il est 4h54, Gabian, petit village aimé de l’héros, va bientôt s’éveiller. La nuit, tu m’apparais immense, toi la beauté… Très vite, à l’angoisse ontologique de l’enfant, renforcée par l’obscurité, succédera le désir de l’enfant, puis celui de l’adolescent. Dans ce monde bruyant qui est le nôtre, le désir, la recherche, l’appréciation des silences de l’adolescence deviendra la règle. Le désir de beauté en sortira vainqueur. L’intuition me guida, sorte de vague à l’assaut de l’esprit.
J’ai aimé l’école, toutes les écoles, la primaire, la secondaire, les grandes écoles. Je suis devenu vendeur, vagabond, voyageur, je me suis vendu du bonheur. J’ai essayé d’en donner aux autres. J’aime surtout l’école de la vie. Elle s’exprime à travers tous les parfums de femme que je vends aux quatre coins de la planète.
Je n’aime pas les mauvaises langues. J’adore les langues étrangères. J’en ai appris quelques unes. J’aime le Marketing, je l’enseigne. Mais assez parlé de moi. Cet exercice m’ennuie. Par contre, je ne me lasse jamais, de découvrir sans cesse, avec désir, la beauté. Voici donc quelques mots du cercle des poètes non disparus. Ils suffiront à exprimer ce que la beauté de toute une chacune peut susciter d’émoi dans le pauvre cœur des hommes.
Voici donc ces quelques mots promus plus haut :
« Puisque la beauté court, je veux courir plus vite » Jean Cocteau
« La beauté sauvera le monde » Dostoïevski
On l’aura compris, à ce jour, je n’ai pas eu d’autre guide que la beauté. Si je suis redondant, c’est que la beauté ricoche en moi. On me dit qu’elle est éphémère. Je ne le crois pas. Elles se sont appelées Amal, Nathalie, Virginie, Sylvie, Marie, Emma, Catherine, ou Isabelle si le roi savait ça. Elles vivent toujours en moi. Elles ont été peintes par Leonardo, décrites par Musset, déshabillées par Ingres et Modigliani, rêvées par Flaubert, dévoilées par Baudelaire, chantées par Aznavour et Bécaud. Elles ont incendié le cœur de Gérard de Nerval. Quand il est mort le poète, enfumé ou pendu, elles ont continué à vivre et à danser, parfois autour d’un réverbère.
La beauté de l’amitié, je l’ai trouvée aussi dans le sud, non loin de Gabian, à Vailhan, où le jour se lève maintenant, là où Victor Hugo m’a offert ses matins triomphants, là où, enfin, j’ai découvert Manou, les jolies vacances dans le sud, le sourire d’Anne-Marie, celui de Reinette. Que de prénoms, féminins me direz-vous ?
La vie m’a accordé quatre fils et quelques amis rares. Je couve les premiers du regard, les seconds je les garde en mon cœur. Ils s’appellent Maurice, Antoine, Philippe, Jean, Richard, Patrick, Serge. Il m’est d’autres amis que parfois je n’ai jamais rencontrés ou à peine approchés, le roi Elvis, le petit Richard, les grands Charles, l’ami Jacques, François-René, Victor.
Cette biographie s’achève sur des prénoms. Sur le visage des autres, sur leurs sourires, sans lesquels l’auteur n’aurait jamais écrit.